Zabriskie Point "Des hommes nouveaux" - 1997
"Je suis une machine"
Oh non ne me demande pas, aimée
pourquoi je viens de te quitter
ou alors il faudrait aussi me demander
pourquoi je suis resté toutes ces années
dans les deux cas je n'ai pas vraiment pensé
je n'savais pas moi-même
car je suis une machine.
Oh non ne me demande pas encore
à quoi je pense quand je fais des grimaces
tu d'vrais savoir qu'il n'y a pas âme qui vive en mon corps
il n'y a que des fils électriques à la place
qui ne pensent à rien, à rien qui s'tient
et qui m'aliènent moi-même
je suis une machine.
Oh non ne me demande pas enfin
pourquoi j'ai dit ci pourquoi ça
que je rêvais
ou que j'étais en train
ou que je venais
de renverser l'état
c'est des mots qui m'prennent, des sons qui m'viennent
que je n'comprends pas moi-même
mais qui ont l'étrangeté salutaire des machines.
Dobidoubidou ouapouapouap
congélateur intime et petite frappe
si mes derniers jours m'étaient contés
je louvoyais jadis l'infini quarté
be-bop à bosses
habile négoce
sempiternelle éclipse
je suis une machine
j'ai la force des machines.
"1997"
Déjà il n'y a plus de feuilles dans les arbres
il n'y a plus d'arbres non-plus
l'ère de l'air est révolu.
Et déjà au bout des fleuves il n'y a plus de mer
il n'y a plus de fleuves non plus
l'air de la mer ne guérit plus.
Et déjà il n'y a plus d'ici ou d'ailleurs
tout est ici tout est ailleurs
à Pékin on boit du Coca.
Et c'est toujours le jour, à la place du soleil
on a installé un néon de supermarché.
C'est fini, tout est fini
mais c'est très bien comme ça.
Et déjà nous n'savons plus ce que veut dire suer
sans cesse portés que nous sommes
par des océans d'escalators.
Et bientôt nous n'saurons plus avoir froid aux pieds
ni comme c'était bon de se sentir chier.
Et déjà dans les cafés y'a plus d'alcooliques
on a disposé des télés pour des bitures cathodiques.
Et déjà nous n'parlons plus, nos voix se sont tues
dans le grand silence de la Communication.
Et déjà il n'y a plus personne,
ni dans les trains ni dans les rues
dans les trains dans les rues
y'a juste des téléphones qui sonnent
oh non plus person, juste un téléphon qui son
et un Gaston qui répond pour que le monde tourne rond.
C'est fini, tout est fini
mais c'est très bien comme ça.
Car déjà je me prépare à l'inventer de l'après
je viens peut-être un peu tard
mais je suis un tard venu gai.
C'est fini maintenant
tu peux sécher tes larmes maintenant
ça va aller maintenant
maintenant tout peut recommencer
Assez pleuré, assez gémi
assez de mouchoirs salis
j'ai trop perdu de temps
à penser au temps perdu
et il m'en reste encore un peu
pour inventer un troisième temps.
L'homme est mort? Nous le réinventerons
la mer est morte? Nous baignerons dans l'huile
le mur est tombé? Nous le reconstruirons
il n'y a plus d'air? Nous respirerons autrement
et surtout nous n'oublierons pas de nous souvenir
nous serons des machines et nous serons le blé
nous seront le pot de fer et le pot de terre
nous serons le fer et la terre
nous serons des hommes nouveaux.
"Champion du monde"
J'ai tous les défauts du monde
je cultive toutes les tares du monde
mais je sais que pour c'qui est d'être moi pour et par moi
je passe dans les médias.
J'ai tous les défauts du monde
à peine plus sain qu'un micro-ondes
mais je sais que pour c'qui est d'être là
où on n'm'attends pas
je ferais n'importe quoi pour être
champion du monde
champion du monde de moi.
On écoute du rap en banlieue
et Trenet dans les maisons d'vieux
les fachos ont les cheveux courts
les anti-fafs croient en l'amour
les teen-agers aiment Bruce Willis
et les médecins jouent au tennis
c'est l'échiquier de la culture.
Mais moi un jour j'suis musulman
le lendemain j'fait du vélo
j'me brosse les pieds avec les dents
et je mets l'igloo dans l'esquimau
feintes de corps
et contre-pieds
je suis le champion de l'inculture.
J'ai tous les défauts du monde
j'ai fait le méchant dans un James Bond
mais je sais que pour c'qui est d'être là
où on n'm'attends pas
je ferais n'importe quoi.
J'ai tous les défauts du monde
et j'ai la connerie féconde
mais je sais pour c'qui est d'être moi
pour et par moi
je passe dans les médias
pour champion du monde
champion du monde de moi.
Les homos s'homogénisent
comme les boulangers boulangent
les militaires s'uniformisent
et les catholiques font les anges
tout bien nommés
tout bien encasés
sur l'échiquier de la culture.
Mais moi un jour j'suis pédé
le lendemain j'épouse ma sour
j'écoute Maurice Chevalier
avec des poses de punk rockeur
j'fais des p'tit rat à l'apéro
et j'fais des rots à l'opéra
je suis le champion du monde de l'inculture.
Marre d'évoluer en solo,
je changerais bien pour un sport co'
rejoignez moi et soyez vous, je serais moi
nous formerons l'équipe des
champions du monde de l'inculture.
"1977"
Tu peux raper si tu veux
techno-trasher si tu veux
tu peux sauter dans tous les
trains en marche que tu veux.
Tu peux t'percer où tu veux
te colorer les cheveux
tu peux même si tu veux
te percer les cheveux.
Mais rappelle toi que l'air du temps
ne dure que le temps de prendre quelques airs
à la mode de chez nous
à la mode de partout
l'air du temps c'est juste savoir prendre
quelques airs à la mode de partout.
Tu peux drag-queen si tu veux
gay-prider si tu veux
manifester ta pride d'être gay
partout où tu veux.
Tu peux surfer si tu veux
et sur le Net c'est encore mieux
te connecter avec un moine
tibétain si tu veux.
Mais rappelle toi que l'air du temps
ne dure que le temps de prendre quelques airs
à la mode de chez nous
à la mode de partout
l'air du temps c'est juste savoir prendre
quelques airs à la mode de partout.
Moi j'ai 20 ans et toutes mes dents
aujourd'hui encore je vois que tant
de groupes s'abreuvent
de mon inspiration d'antan
on ma pardonnera si j'y vois une preuve
Sinon je veux bien raver avec toi
Sinon je veux bien céder au n'importe quoi.
"No futur"
Souviens-toi le progrès
comme on en parlait
souviens-toi qu'on en rêvait
souviens-toi la bombe devait nous dissuader
souviens-toi le télé devait nous faire communiquer
que grâce à l'avion nous devions nous élever
que tout ça nous rendrait moins cons pour l'éternité.
Mais le progrès ne cesse de régresser
et plus ça va plus ça va pas et on s'enfonce
c'est toujours la même chose avec le nouveau
et plus ça va et plus on fonce et on s'enfonce.
Et quand d'nouveau s'invente une invention
il font semblant de demander "êtes-vous prêts?"
et nous tout d'suite comme des cons
avant même qu'ils aient demandé: "OK!"
Te souviendras-tu qu'en 97
tous les chemins menaient déjà au CD-ROM et au net
tu traitais les réticents comme moi de frigides obsolètes
t'en souviendras-tu quand nous serons tous analphabètes?
Mais le progrès ne cesse de régresser
et plus ça va plus ça va pas et on s'enfonce
c'est toujours la même chose avec le nouveau.
"Regarde un peu cet invention
ça rote et ça fait des bulles en vrai"
"Oh si c'est vrai qu'ça rote en vrai
alors moi je dis ok!"
Et je crois qu'à présent
nous pouvons nous passer
du futur.
"Dans la ville"
Lorsque je l'ai vu pour la première fois
si je me souviens bien elle ne trempait pas
dans son sang et aucun couteau ne lui avait
encore transpercé le foie
elle était la beauté absolue
et moi j'étais seul dans la ville.
De temps en temps nos regards se croisaient
de sa fenêtre à la mienne elle me souriait
gentiment mais à distance mais gentiment
mais à distance
en bonne fille de bourgeois, fascinante
et moi j'étais seul dans la ville.
Mais dans la ville au soir on se raconte des histoires
en esprit on réunit ce que le jour sépare
on s'dit que les incompatibilités sociales ça n'existe pas
j'ai rompu la distance
et demandé en transe
si je pouvais goûter
à son absolue beauté
elle n'a même pas répondu
comme si c'était tout vu
comme si c'était incongru
que ça n'se discutait même plus
elle en a même souri, gentiment mais
à distance mais gentiment...
Voilà commissaire où j'en suis pour ma part
mais pour ce qui vous intéresse c'est un autre que moi
qu'il faudrait voir
le soir du crime je n'ai fait que pas dormir
dans le noir
et rêver à l'absolue beauté
enfin je l'embrassais
enfin je l'étreignais
et plus je l'embrassais
et plus elle saignait
et plus je l'étreignais
et plus elle saignait
mais au moins elle cessait
de sourire mais gentiment mais à distance
je me suis réveillé
enfin apaisé
et toujours seul dans la ville.
"Deuxième degré zéro"
Je suis l'enfant de la société de deuxième degré
j'ai du être conçu dans une étreinte décontractée
je suis l'enfant de la société du deuxième degré
Il y a des choses que je déteste puis que
j'adore 20 ans après
c'est qu'entre temps tant de degrés
se sont accumulés
hier au soir à 22 heures en écoutant Village People
je suis devenu communiste
c'est tellement marrant au deuxième degré,
degré zéro, zéro pointé.
J'ai rencontré ma femme (et là c'est sérieux)
je me suis marié
j'ai rencontré l'argent (et là c'est sérieux)
j'ai rentabilisé
mais pour le reste tout le reste vous pouvez me
faire dire tout ce que vous voulez
je peux être de gauche de droite
en haut en bas au milieu
à la fin tout est neutralisé
par le deuxième degré...
C'est moi la société du deuxième degré
les joues fardées je cultive le trouble de qui
l'on ne peut pas situer
je me répands en parodies
dans le tout kitsch télévisé
je suis le beau le laid le gros le mince
le bon la brute le truand
qu'importe puisqu'à la fin tout est noyé
dans le deuxième degré.
Elle me fait bien rigoler
leur révolution des affamés
ce piège vulgaire et grossier
ce piège au premier degré
je n'ai pas fini d'en rigoler.
"Le chant de l'issue"(chanson au premier degré)
Quand tu n'as plus ni pain ni soupe
pour t'en tirer il te faut quoi?
C'est l'état qu'il te faut
le renverser de bas en haut
jusqu'à ce que tu aies ta soupe
tu pourras alors t'inviter chez toi.
Quand l'chômage est seul patron
il faut t'en tirer avec quoi?
C'est l'état qu'il te faut
le renverser de bas en haut
jusqu'à devenir ton patron
tu auras alors du travail pour toi.
Quand on rit de votre faiblesse
que vous faut-il pour que tout cesse
il faut que vous vous unissiez
que tous les pauvres soient une armée en marche
et vous voici une grande force
dont plus personne ne rit.
"On s'ennuie"
Je regarde les gens qui regardent passer les trains
et je regarde les trains qui regardent passer les vaches
et les vaches regardent le ciel et dans le ciel il n'y a rien
pas de dieu mais son absence qui dessine le visage
de l'ennui.
Qui me dira combien de nos ennuis sont dus à l'ennui.
Et je pense à la violence du voisin aigri
et à la bassesse immense des dimanches après-midi
on dit que c'est de l'ignorance ou de la connerie
mais au fond tout au fond du tréfonds de moi je vous dis
que c'est de l'ennui.
On dira c'qu'on voudra
de nos grands soirs
de nos révolutions de jeunes vieillards
mais moi je crois
du moins j'veux croire
qu'au moins à c'moment là il y a quelqu'espoir
pour qu'il y ait moins d'ennui
et plus de vie.
Et moi qui les regarde justement le ne fais rien
je relis télé 7 jours mais ça me lasse à la fin
et je me cure le nez et c'est une crotte de nez pour rien
rien à faire : j'ai rien à faire...c'est décidé dès demain
j'écris une chanson sur l'ennui.
"Sous mon arbre"
Non non, non je n'irais pas
non je n'convergerai pas
non nous n'avons pas
exactement les mêmes critères.
Contre l'Euro je joue le pet
je joue la guerre contre cette paix
contre cette universalité là je me sens
d'humeur locale
et je siffle sous mon arbre.
et l'Italie et la France et le Poitou
et Adidas se positionnent
pour qu'on échange selon Maatrique
et de position en position
c'est l'invention de l'échangisme
économique.
Contre l'Euro je joue le pet
je joue la guerre contre cette paix
contre cette modernité là je me sens
soudain réactionnaire
et je siffle sous mon arbre
en regardant la pluie
et j'écoute en mon arbre
la sève qui crie.
"Si c'est un homme"
J'te connais pas
mais j'te connais
comme si je t'avais fait
(du mal).
J't'ai jamais parlé
jamais abordé
mais je vois bien que tu
as tout pour me déplaire.
C'est quand même triste on aurait pu penser
que deux humains un peu adultes pourraient communiquer.
C'est quand même triste mais il faut croire que je suis trop jeune
pour signer un pacte de stabilité.
Je n'en reviens pas à quel point
dès l'prime abord tu ne me reviens pas
alors ne m'approche pas et ne dis rien
quoi que tu dises je vais trouver ça bête
alors ne m'approche pas et surtout ne dis rien
quoi que tu dises je vais trouver ça bête
C'est quand même triste quand on pense
qu'en étant un peu humain j'pourrais apprendre à t'accepter
c'est quand même triste mais il faut croire
qu'en moi a disparu tout sentiment d'humanité.
Si c'est un truc comme toi qu'on appelle un homme
moi j'veux bien être un chien
ou qu'on m'appelle un veau.
C'est quand même triste quand on pense
qu'en étant un peu humain j'pourrais apprendre à t'accepter
c'est quand même triste mais il faut croire
qu'en moi a disparu tout sentiment d'humanité.
C'est quand même triste on aurait pu penser
que deux humains un peu adultes pourraient communiquer.
c'est quand même triste et on peut tout penser
mais à tout prendre moi j'dirais
que j'taimerais mieux mort.
"Happy pop"
C'est la grande journée
c'est soleil en janvier.
Père Iggy est venu
sous ses plaies tout nu.
Strummer échange ses textes
avec Marx et Deleuze
Trosky s'écroule d'ivresse
sous un fût de gueuze.
Y'a les Yalat' et les PK
Y'a même le Jacques et Heyoka
ils sont tous venus s'ils sont tous pas las
pas d'futur mais la foi.
Oh comme il est bon de se retrouver tous ensemble ici
oh comme il est bon de se retrouver entre amis
pour danser une happy pop.
Dans le foot de fin d'journée
c'est les Pistols qu'ont gagné
mais au stand barricades
on a vu briller les Zab'
et puis y'a plein de filles
même qu'on dirait des fleurs
de la confiture qui brille
donnée aux punk rockeurs.
Moreau échange une dialectique
avec un vinyle en acrylique
on s'arrache la dernière compil'
Dites-le avec du style.
Oh comme il est bon de se retrouver tous ensemble ici
oh comme il est bon de se retrouver entre amis
pour danser une happy pop.